Cette photo de montagne (ci-dessous) n’est pas là pour vous rendre jaloux de mon séjour, ni pour vous donner envie d’aller skier. De toute façon, le niveau d’enneigement est faible. Très faible. Trop faible. La neige recouvre en ce moment moins de 40% de la surface du massif alpin français. Du côté des Pyrénées, la couverture neigeuse est seulement de 8% (Centre d’Études Spatiales de la Biosphère).

Je suis dans les Hautes-Alpes, nous sommes le 17 février 2024. Je pars en randonnée en short. Le soleil tape fort, l’air est sec et doux. Il fait 14°C à 900 mètres d’altitude. Habituellement, la température moyenne en février dans ce petit village des Alpes est de 0,3°C. Entre 1999 et 2019, la température maximale enregistrée était de 10°C.

La randonnée démarre, on avale le D+ pour finir à 2 200 mètres d’altitude vers 15h. Entre-temps, j’ai rangé mon manteau, enfilé mes lunettes de soleil et mes jambes sont déjà sèches malgré les quelques derniers kilomètres à marcher dans la neige.

En redescendant, j’observe la montagne. J’entends les oiseaux comme si on était au printemps. Je vois des arbres sans feuilles qui commencent à bourgeonner. La terre est humide et grasse, les ruisseaux se forment puisque le peu de neige qu’il y a fond déjà. Les courbes des pistes de ski du massif voisin se distinguent à l’œil nu entre les forêts d’hiver aux couleurs marron.

Je pense alors à la lutte que mène Résilience Montagne qui relaie des actualités où promoteurs immobiliers, entreprises, organisations sportives (et olympiques !) tentent, coûte que coûte, de tirer un maximum de la montagne avant qu’il ne soit définitivement trop tard. Ici, ce n’est pas “jusqu’à la dernière goutte” mais jusqu’au dernier flocon. La détermination de quelques-uns à maintenir un système de loisir, de pratiques et de profits m’exaspère. J’essaie de ne pas faire le vieux réac’ car “l’économie du ski” permet à un grand nombre de saisonniers et PME de vivre et tout arrêter maintenant serait une catastrophe.

Mais je constate qu’il n’existe pas à ce stade de mobilisation ambitieuse qui changerait le prisme à travers lequel on voit, on pense et on fait le monde. Quand on sait que 50% à 60% des émissions de gaz à effet de serre d’une journée au ski sont causées par… le transport (Cabinet Utopies et l’ANMSM faite par l’ADEME en 2010, sur 10 stations représentatives via le blog Bon Pote), on est loin du compte. Une station de ski qui “se réinvente” pour continuer à proposer des activités 4 saisons aux 10 millions de touristes qui se rendent chaque année en montagne pour leurs vacances s’apparenterait à de la pure hypocrisie. Ne soyons pas dupes. Il faudra être plus malin, ambitieux et s’attaquer à la source du problème – à savoir le voyage touristique et de loisir – pour pouvoir le résoudre. L’avènement de nouveaux récits autour de la montagne, du voyage et des pratiques sportives d’hiver peinent à émerger même si certaines initiatives, à l’instar de Itinéraires Bis, Résilience Montagne, ont vu le jour récemment.

Je veux croire qu’en parler puisse, au pire, faire réfléchir un instant et, au mieux, imaginer d’autres voies possibles lorsque nous imaginerons nos prochains séjours en montagne.