À partir de 2020, je me suis aperçu que mon éveil écologique tournait autour de 3 piliers majeurs.

1. La compréhension des problèmes systémiques de la Terre

2. L’analyse de notre rapport à l’habitat

3. L’observation du vivant

À travers ces piliers j’ai développé un rapport au monde différent et s’en est suivi une prise de conscience plus pragmatique lié aux enjeux climatiques. J’essaie dans ce long article d’expliquer comment mon éveil s’est déroulé.

1. Découvrir les problèmes systémiques de la terre

Quand le Covid est arrivé, j’ai tout de suite eu envie de quitter Paris. Comme beaucoup, j’ai eu envie de retrouver “la nature”, quitter l’enfer urbain et les quelques mètres carrés dans lequel je vivais. Puis, j’ai pris mon mal en patience et ai fini par acheter une pile de bouquins que je souhaitais lire depuis longtemps. Parmi eux, un en particulier m’a vraiment marqué. Il datait un peu, mais malgré ça, l’analyse restait pleine de sens. Je découvrais donc le livre de Pablo Servigne et Raphaël Stevens : “Comment tout peut s’effondrer”.

📕 Mon point de vue sur le livre

Le titre du livre peut faire peur et la collapsologie aussi. Mais il faut conserver son sens critique quand on pratique ce type de littérature. J’ai trouvé pour ma part le livre très bien écrit, très bien documenté aussi. Parfois alarmiste, mais j’en garde un souvenir ni caricatural, ni sensationnaliste. Le principal problème de ce livre, c’est son titre. Pablo Servigne, le dit lui-même. La notion d’effondrement convoque des imaginaires si forts que le public et la presse l’ont parfois raillé et accusé d’être un gourou prétentieusement capable de prédire la fin du monde. Mais ce qu’il met en exergue ce n’est rien d’autre que les problèmes systémiques auquel la Terre fait fasse et qui pourraient (avec une probabilité forte et déjà partiellement constatée) amener à DES effondrements. Quand on parle d’effondrement, les gens s’imaginent un monde en feu, une apocalypse où les humains se déchirent entre eux. Et ça amène à des questions un peu absurdes sur Google, par exemple, qui doivent à mon avis pas mal alimenter les théories du complot, mais bref !

En fait, dans le livre de Pablo Servigne et Raphaël Stevens on parle de l’effondrement des systèmes (par exemple : L’effondrement de la biodiversité).

Le terme effondrement est aussi compliqué à appréhender sans se détacher de la question du temps et de l’instant auquel celui-ci serait censé arriver. Un effondrement devrait être momentané, visible. Il devrait être l’instant qui défini un avant et un après (coucou le Covid !). Mais la réalité est bien plus complexe. L’étude des systèmes est assez vaste, difficile à appréhender et reste une discipline scientifique “nouvelle”. Si cela vous intéresse, je vous partage cette vidéo sur les risques systémiques que j’ai trouvée assez éclairante.

Aussi, je ne peux que vous conseiller le rapport “Les limites à la croissance dans un monde fini” de Meadows & Jorgen Randers. Écrit en 1972 par 4 scientifiques du MIT à la demande du Club de Rome, le rapport a choqué le monde entier en établissant les conséquences dramatiques d’une croissance exponentielle dans un monde fini. Les données ont été réactualisées même si elles sont plutôt relatives à la période 1900-2000. Le rapport a eu 50 ans en 2022. C’est un gros pavé de presque 500 pages, mais la lecture est facile. Il permet de s’inscrire dans l’histoire des études sur le système Terre et montre à quel point les dérèglements en cours sont liés aux activités anthropiques (c’est-à-dire humaines).

La compréhension du système Terre et de ses sous-systèmes ont donc été des sujets d’exploration pionniers dans mon éveil écologique,. C’est en m’y intéressant que j’ai compris pourquoi on ne peut pas espérer une croissance infinie dans un monde aux limites finies ou encore comment « l’effondrement » d’un système peut avoir des conséquences dramatiques à cause de ses interdépendances avec d’autres systèmes.

2. Habiter le monde autrement

Comme beaucoup, au moment du Covid, je me suis mis à rêver de ma maison parfaite. Où habiter, sous quelle forme, avec quel rythme. J’ai alors été pris d’enthousiasme et j’ai commencé à me documenter sur les formes d’habitats alternatifs, écologiques, etc.

Le design d’habitat – architecture ? – c’est tout simplement passionnant. Attention, on ne parle pas de design au sens meubles & déco ici. On parle bien de conception. En faisant de multiples recherches, je me suis rendu compte que très peu d’habitats sur cette Terre ont été pensés pour profiter des énergies naturelles (énergie hydraulique, éolienne, solaire, biomasse, géothermie…) qui peuvent être très efficaces pour se chauffer en hiver ou pour optimiser son confort en été. Et ce n’est donc pas un hasard si l’habitat est à la deuxième place de l’empreinte carbone par poste de consommation en 2018, après les déplacements et avant l’alimentation… car la situation en France est assez inquiétante : sur les 30 millions de résidences principales que compte la France au 1er janvier 2022, 5,2 millions sont des passoires thermiques, soit 17% du parc, selon une étude de l’Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE) (source Effy)

Source : conférence Ovivant
Source : conférence Ovivant

Au cours de mes recherches, j’ai notamment découvert Solution Era, un organisme de formation en design d’habitat écologique qui propose du contenu très intéressant sur ces sujets. Leur conférence à Paris en 2021 m’a convaincue et m’a ouvert les yeux sur le non-sens de la plupart des habitats que l’on construit depuis le XXe siècle.

📺 Chaîne Youtube de Solution Era

Une de leur série vidéos est très inspirante et parle de personnes qui ont décidé de construire des habitats écologiques, des maisons saines ou haute performance énergétiques. Leurs témoignages sont très intéressants.

En découvrant ce monde merveilleux de l’habitat “alternatif” en 2020-2021, j’ai ajouté une nouvelle brique aux sujets qui m’ont sensibilisés et amenés à l’éveil écologique.

Aujourd’hui j’ai un rêve : celui de construire un petit coin de paradis au vert. Une “cabane” dans la forêt. Je raconterais peut-être le périple de cette aventure un jour.

3. Développer sa sensibilité (au vivant)

Entre 2020 et 2022, un troisième sujet est venu s’ajouter à ma prise de conscience écologique. C’est cette dernière qui m’a fait “basculer”.

J’ai toujours eu une sensibilité pour les choses qui sont sans importance et que la plupart des gens ne “voient” pas. C’est pour cela que lorsque j’ai découvert l’introduction du livre “l’infra-ordinaire” de Georges Perec, en 2016, par l’intermédiaire de Emmanuel Souchier, j’ai compris qu’une activité me passionnait plus que tout autre : interroger l’habituel. Ça peut paraître vraiment bête, mais l’observation des choses du quotidien est quelque chose qui me rend fondamentalement heureux et qui m’émerveille. C’est aussi une excellente manière d’apprendre et de questionner ce qui nous entoure.

S’en est donc suivi la sortie du podcast Les Chroniques de l’infra-ordinaire (dont l’ensemble des chroniques sont retranscrites ici). Ce projet, c’était pour moi l’occasion de concrétiser cette admiration pour les choses banales de la vie… et du vivant ! Car dans le même temps, quelques expériences ont permis de me rendre compte que je ne connaissais finalement pas grand chose au vivant…

En 2019, lorsqu’en pleine ascension du col de la Forclaz avec un groupe de randonneurs, le guide de montagne nous demande s’il on est capable de différencier le sapin de l’épicéa. Quel question ! Bien sûr que non !!

🌲 Je me surprends à voir le guide broyer les aiguilles d’une des deux branches qu’il venait de recueillir pour en extraire l’odeur. Le sapin a cette odeur de résine agrume, on dirait presque une orange. Puis mon guide se met à caresser les branches du sapin et de l’épicéa. L’épicéa pique lorsqu’on repasse ses aiguilles à l’envers, le sapin non. Et puis, visuellement enfin, les aiguilles du sapin sont plutôt plates et disposées comme un toit, en V inversé, quand l’épicéa dispose d’aiguilles partout autour de sa branche.

Démonstration faite, je me rends compte à quel point notre utilisation des sens est limité pour “sentir” les choses qui nous entourent mais qu’ils sont pourtant bien utiles pour identifier des espèces vivantes et re-créer du lien avec elles.

La deuxième expérience qui m’a fait réaliser notre méconnaissance du monde vivant, c’est le Shinrin Yoku.

🚶‍♂️ Il s’agit d’un “bain de forêt”. C’est une pratique thérapeutique japonaise qui consiste à aller se balader en forêt en pleine conscience pendant de longues heures. Mais attention, on ne parle pas d’une balade où l’on ne fait que passer. C’est une balade où l’exploration est totale. On avance au gré de nos sensibilités, de notre curiosité ou de notre créativité. On touche, on sent, on observe, on oublie tout le reste. Les bienfaits, démontrés par des études scientifiques, sont nombreux : éveil de la conscience à ce qui nous entoure, baisse de la pression artérielle, diminution du stress, chromothérapie (verte), découvertes ou observation d’éco-systèmes et d’espèces vivantes.

Cette expérience était pour moi assez naturelle du fait de ma bonne capacité à observer ces “choses banales”. Elle peut paraître déroutante ou absurde au premier abord, mais on prend vite conscience qu’on ne “communie” plus avec les espaces que l’on traverse, que ce soit au quotidien ou en balade. Par exemple, lorsque je fais une course de trail, je profite de la forêt ou de la montagne seulement sous quelques-uns de leurs aspects, à savoir : l’air frais de la montagne, les paysages et le calme. Mais je n’observe pas vraiment ce qu’il s’y passe. Comme en balade, la plupart du temps on passe et on zappe.

Le manque de “nature” (l’utilisation du terme mériterait qu’on s’y arrête) est d’ailleurs en train de devenir un vrai fléau, avec des conséquences profondément désastreuses. Le média Nowu en a parlé récemment et résume bien les impacts sur nos vies que l’on passe principalement en intérieur, assit et souvent derrière un écran.

Enfin, quelques autres expériences ont fini de marquer ma prise de conscience de notre méconnaissance du vivant :

  • Pendant un week-end survie je me suis rendu compte que j’étais bien pauvre en connaissance sur les plantes comestibles, les arbres et le comportement des espèces animales dans leur habitat naturel. Ça se confirme d’ailleurs avec cette statistique ahurissante :“Les enfants de sixième sont incapables d’identifier dix essences d’arbres, contrairement aux marques de voitures ou de vêtements.” (source : La relève et la peste)
  • Mes lectures sur les forêts et les arbres (ForêtsRefliefs) et les vidéos de Partager c’est sympa (ici et  ou encore ) sur cette même thématique m’ont fait prendre conscience de l’importance de protéger le vivant. Mais pour protéger quelque chose, il faut le comprendre et apprendre à l’aimer. Là encore, j’en reparlerait bientôt.

Toutes ces lectures et expériences ont fini par me convaincre de notre position totalement hors-sol vis-à-vis du monde que l’on habite, comme l’explique bien Hélène Tordjman dans la revue Reliefs :

Où s’arrêtera la marchandisation du monde ? Le travail de rationalisation de l’ensemble du vivant, entrepris depuis les années 1990, engendre aujourd’hui une conception comptable, voir financière, de la nature désormais considérée comme un portefeuille de services produisant des revenus réguliers. Face à des “éco-modernistes” qui nous parlent de “compensations écologiques”, des “crédits biodiversités” ou “d’obligations adossées à des forêts”.”

Hélène Tordjman, Reliefs

En résumé, c’est par ces 3 grandes thématiques (système Terre, habitats et monde vivant) que mon éveil écologique s’est forgé.

Il aurait pu être différent mais peu importe. Ce qui compte c’est justement d’atteindre l’éveil, et de prendre conscience de ce qui se joue. Le défi est énorme. Mais la mobilisation est grandissante. Le point de bascule social est chaque jour plus proche. Chaque personne informée est une personne plus consciente, plus sensible, plus attentive et donc potentiellement motrice dans l’action contre le dérèglement climatique. Je l’expliquerai davantage prochainement, mais comme Camille Etienne le dit si bien : “On protège que ce que l’on aime et l’on aime que ce que l’on connaît.”. Savoir et comprendre est donc clé.